Cet article fait partie d’une série d’écrits dans le cadre de mon mémoire de fin d’étude sur la déconnexion volontaire aux TIC. Les thématiques abordées ici seront développées dans les billets à venir. N’hésitez pas à me partager vos impressions et à me faire part de votre avis sur cette thématique.

En 2010, une étude du centre pour l’information globale de l’Université de Californie indiquait que la population américaine était soumise à un flux moyen de 11,8 heures d’information quotidienne[1]. Un quota de 100 500 mots dilués dans la masse médiatique à laquelle le numérique vient se greffer. A cela s’ajoute l’espace public, toujours plus avide d’attention. L’information semble être partout à la fois au point où nous en venons à être plongés dans un bain continu de données. Notre smartphone et devenu l’extension de notre pensée, nos connexions désormais 4G nous permettent de réceptionner des mégaoctets de data et bientôt notre champ oculaire sera amené à recevoir en permanence cette information, sans que nous n’ayons à bouger le petit doigt.

En traitant de la déconnexion, ce mémoire se voulait être un questionnement sur nos usages du numérique et la place de l’humain dans  une société de l’information, en perpétuelle évolution. Plus que la déconnexion, l’idée était également de se questionner sur cette tendance. Sommes-nous tous préparés à vivre dans ce schéma de société, où l’information est partout et envahit chaque étape de notre vie de manière plus intrusive, ou symbiotique ? A cela, la déconnexion pouvait apparaître comme une réponse, une forme de contre-pouvoir aux usages décrits par la technique. Une réponse aussi radicale qu’elle est caricaturale, certes, mais une tendance qui accompagne notre rapport aux technologies, comme d’autres technologies de l’information ont pu se confronter à une réticence par le passé.

Alors, la déconnexion volontaire aux TIC est-elle  un phénomène de mode ou le fantasme d’une population ultra-connectée ?

Plutôt que de se restreindre à l’une ou l’autre des réponses, la déconnexion   volontaire répond en partie à ces deux propositions.

Oui, la déconnexion est un phénomène de mode, dans le sens où, même si nous ne sommes qu’une fraction à nous déconnecter totalement des réseaux de l’information,  elle nous touche tous en nous invitant à nous questionner sur la place de ces réseaux dans notre vie. Nous avons tous une raison de défendre notre droit à la déconnexion, car nous y défendons les schémas de société, les formes liens relationnels voire affectifs que nous maintenons entre nous. Par-là, le questionnement lié à la déconnexion ne repose pas forcément sur une volonté de se détacher totalement de la technologie, mais d’évaluer et de manager son utilisation, de contrôler le on et le off. Ce questionnement apparaît ainsi comme une réappropriation des usages face à la technique.

Oui, la déconnexion reste le fantasme d’une population ultra-connectée dans le sens où elle n’existe pas réellement.  Le on est inséparable du off dans le sens où  notre identité numérique est inséparable de notre identité physique. En cherchant le retour au réel, nous en oublions même que le numérique en fait partie. Ce qui se passe sur mon fil d’actualité Facebook en ce moment  même est une  conséquence du réel. Le réel est également influencé par nos comportements en ligne. Nous percevons des réflexes, des manières de penser propres aux usages du numérique. Prendre une photo d’un concert et la partager via Instagram ne me permet pas juste d’en garder une trace. Cela me permet également de rendre cet évènement encore plus réel, de transmettre le témoignage de cette expérience de manière à la rendre plus valorisante. Nous en venons également au paradoxe où ce n’est pour nous pas réel tant que ce n’est pas sur Google. Par extension, la recherche de la déconnexion s’apparente à une forme de nostalgie, comme le retour de l’analogique, du vintage, sont le signe d’une authenticité retrouvée.

Face à la déconnexion volontaire, quelle est notre responsabilité ?

L’information est partout, toujours plus rapide. Nous sollicitons sans cesse les usagers des technologies de l’information pour parvenir à nos objectifs de communication, mais pouvons-nous continuer à envahir l’espace public de messages ? Certaines firmes l’ont déjà compris : par exemple, si le reach organic de Facebook est amené à décroître de plus en plus, ce n’est pas (uniquement) pour valoriser les programmes de publications sponsorisées, mais aussi pour rendre nos flux d’informations moins denses et donc moins anxiogènes… et par extensions garder les utilisateurs dans ce système. Par là même, la pertinence et la qualité de notre communication est mise à l’épreuve : les usagers des technologies de l’information sont soumis à une concurrence communicationnelle de plus en plus dense. Dans la cacophonie des réseaux de communication, inonder l’espace numérique de messages ne suffit plus à être entendu.

Pour y parvenir, nous disposons toujours plus d’outils et de techniques. Par exemple, les opportunités offertes par le Big Data nous permettent d’affiner notre relation avec les usagers, de calibrer nos messages afin de les rendre plus adaptés à notre cible. Ou encore, l’UX Design qui nous permet de limiter les points de contact anxiogènes, de manière à diluer nos messages dans les espaces d’information que nous développons. Nos métiers évoluent en fonction de ces usagers. Des usagers toujours plus à même de comprendre le rôle des technologies de l’information dans leur quotidien, et d’en évaluer de façon critique l’impact, qu’il s’agisse de sollicitations informationnelles non-souhaitées, de protection de données personnelles ou de la vie privée.

Enfin, en tant qu’usagers, nous sommes amenés à évaluer nos pratiques. Les écrans sont à même de nous fournir un flux d’informations inépuisable, avec une facilité jamais vue jusqu’alors dans l’Histoire de l’Humanité. En quelques décennies, les technologies de l’information ont totalement modifié notre société et l’espace qui nous entoure. En cela, la déconnexion et la prise en compte de nos comportements connectés nous questionne. Nous n’effectuons pas juste un rejet, nous ne sommes pas juste contre ces technologies, mais par la déconnexion, nous questionnons notre identité, notre rapport au temps et à ce que nous en faisons.


[1] Hubert Guillaud. Combien d’information consommons-nous ? « InternetActu.net [En ligne]. InternetActu.net. 14 janvier 2010. Disponible sur : < http://www.internetactu.net/2010/01/14/combien-dinformation-consommons-nous/ >