Si la déconnexion fascine tant, c’est aussi par sa présence de plus en plus importante dans l’espace médiatique. Les articles s’enchaînent dans les colonnes des journaux français et internationaux, à base de « J’ai passé une semaine sans internet ni smartphone, sans craquer… » ou « Avez-vous pensé à vous déconnecter cet été ? ».

La déconnexion devient une tendance à tel point qu’événements, services et produits se déclinent autour des valeurs véhiculées par notre volonté d’échapper aux écrans. Aux Etats-Unis, certains partisans de la déconnexion se réunissent dans la tendance de digital sabbath prônée notamment Sabbath Manifesto, une organisation cherchant à éveiller notre rapport aux technologies en s’inspirant des influences du judaïsme orthodoxe. Ces adeptes sont ainsi à l’origine du National Day Of Unplugging[1], une journée au cours de laquelle les usagers sont amenés à se couper des technologies de l’information. La prochaine édition devrait se dérouler du vendredi 6 au samedi 7 mars 2015 et à cette occasion, les participants sont amenés à relayer leur engagement en publiant sur le site web de l’organisation une photographie présentant leurs motivations.

Capture d’écran du site web du National Day Of Unplugging

Par cette démarche, paradoxalement connectée, l’organisation parvient à rendre sa démarche plus virale, à créer un engagement autour du sujet de la déconnexion tout en faisant de cette journée un phénomène de société, dont les frontières dépassent l’Atlantique. Cette tendance à la déconnexion se retranscrit également dans le développement d’offres de loisirs, destinées à limiter nos connexions. Les services hôteliers proposent ainsi des offres « déconnexion », où les clients sont amenés à se séparer de leurs appareils pendant la durée de leur séjour[2].

Nous remarquons que face à la démocratisation du sujet, la déconnexion est également devenue une tendance marketing. En 2013, l’agence Dagobert analysait déjà cette tendance[3] et les opportunités qu’elle représente pour les marques.  En s’attachant  à l’image de la déconnexion volontaire aux TIC, les marques peuvent ainsi renforcer leur message autours de valeurs de partage, d’authenticité, en défendant un axe de communication quasi militant prônant le retour aux « vraies valeurs ».

Kit Kat: Free No-WiFi Zone
Campagne de l’agence  JWT Amsterdam
Amsterdam, décembre 2012

Par exemple, en lançant la campagne No Wifi Zone[4] , l’agence JWT Amsterdam cherchait à nous déconnecter quelques instants autour de bancs circulaires, nous coupant des signaux wifi environnant dans un rayon de 5m autour de l’installation. Le message lié à la déconnexion rentre ici totalement en cohésion avec le slogan même de la marque Kit Kat : « have a break ». L’annonce repose sur le sentiment de connexion ubiquitaire qui fait du monde qui nous entoure une immense zone wifi. D’où la proposition d’une pause au milieu de cet espace informationnel. Là où les espaces de pause sont en général l’apanage des périodes de connexion dans un cadre personnel, la no-wifi zone vogue à contre-courant pour la redécouverte du contact interpersonnel, de la vraie conversation… et pourquoi pas la consommation d’une barre chocolatée en toute tranquillité.

Si la déconnexion est porteuse de valeurs de partage, d’authenticité, elle n’est pas amenée à n’être qu’un buzzword de plus pour promouvoir les marques. Au contraire, cet appel à la déconnexion appelle également les marques à réadapter leur communication pour pouvoir toucher cette cible et profiter des opportunités de la déconnexion pour se différencier efficacement. Toujours selon l’étude de l’agence Dagobert, les marques sont amenées à développer 5 axes pour déceler toutes les opportunités de cette tendance[5] :

  1. Modérer sa fréquence : cela passe par la limitation des sollicitations, au profit de contacts plus naturels et moins intrusifs, ne dénigrant pas pour autant le contexte concurrentiel.
  2. Développer une présence plus utile : la communication doit être utile, la production du contenu doit servir le consommateur, elle doit apporter une réelle plus-value.
  3. Aller vers plus de transparence : les déconnectés sont attachés à leurs données personnelles, la communication autour de l’usage qui en est fait peut ainsi rassurer.
  4. Aller vers plus de simplicité : a contrario de la recherche d’expérience, cette cible est à la recherche d’une simplicité, au détriment de l’interactivité.
  5. Veiller à une cohérence on/off : une cohérence doit être conservée entre le contact en ligne et hors ligne, les discours véhiculés sur le web doivent ainsi se retranscrire par des actions concrètes en dehors des écrans.

Ainsi, la déconnexion volontaire aux TIC, si elle ne se manifeste qu’en partie par des faits, apparaît comme une tendance de société développant des phénomènes parfois ponctuels, mais aux résonnances massives. Cet impact se retransmet dans la sphère médiatique jusqu’à devenir un enjeu marketing pour les marques. Dans ce cadre, elle peut se réinterpréter jusqu’à redéfinir certains modèles de communication pour mieux se différencier et développer de nouvelles opportunités.


[1] « NDU – Join The National Day Of Unplugging – March 7-8, 2014 ». In : National Day Of Unplugging [En ligne]. [s.l.] : [s.n.], [s.d.]. Disponible sur : < http://nationaldayofunplugging.com/ >

[2] Lisa Vignoli. « Une cure de désintox numérique pour déconnecter ». In : Le Monde.fr [En ligne]. [s.l.] : [s.n.], [s.d.]. Disponible sur : < http://www.lemonde.fr/vous/article/2013/08/01/les-debranche-tout_3456290_3238.html >

[3] Dagobert. Digital Detox [En ligne]. février 2013. Disponible sur : < http://fr.slideshare.net/slideshow/embed_code/18055957 >

[4] JWT Amsterdam, Kit Kat: Free No-WiFi Zone, Amsterdam décembre 2012  http://adsoftheworld.com/media/ambient/kit_kat_free_nowifi_zone

[5] Gaël Clouzard. « Digital Detox : tendance déconnexion ». In : Influencia [En ligne]. [s.l.] : [s.n.], 2013. Disponible sur : < http://www.influencia.net/fr/actualites/in,etudes,digital-detox-deconnexion-a-t-elle-avenir,3386.html >